INTERVIEWS
TIMOTHY SPALL (1)
Telegraph (05/01/04).
'Look like Tom Cruise? No thanks'.
Traduction française
Les dents de travers, tout comme les yeux et la mâchoire
dun bon gros toutou, nont jamais empêché lacteur
Timothy Spall dêtre choisi pour des rôles de choix
alors pourquoi a-t-il toujours peur dêtre « oublié
» ? Cassandra Jardine la rencontré.
Une superbe voix ouvre Le dernier Samouraï », le dernier
gros film daction de Tom Cruise, et raconte le mythe de la création
du Japon. Une épée de corail, explique la voix, fut tirée
de la mer, et les 4 gouttes qui en tombèrent formèrent les îles
du Japon. Cette voix nous intrigue : riche, douce, profonde, pleine de nuances
et dharmonie
mais à qui peut-elle bien appartenir ?
Cest seulement au fur et à mesure que laction se dévoile
quil devient évident que cette voix appartient à un homme
dâge moyen, au visage empâté, qui joue un ancien
diplomate devenu à moitié indigène, au cur du Japon
du 19eme siècle. Et cet inadapté, si bien choisi, tellement
Anglais, est joué par Timothy Spall un homme bien connu pour
avoir apporté un peu dhumanité à une longue lignée
de losers et de vies malheureuses à la Dickens, dans une carrière
qui a décollé avec Auf Wiedersehen, Pet.
« Bien sûr que vous ne mavez pas reconnu », dit Spall,
dans son accent du Sud de Londres le plus familier. « Je jouais un personnage
de la Haute Société ». Ses formes généreuses
se soulèvent damusement alors quil raconte comment il a
réussi à ne pas être catalogué en jouant dans des
films à Hollywood. « Pour les Américains, un Anglais est
juste un Anglais. Aux Etats-Unis, ils me trouvent snob. »
Pour ce fils dun employé de Poste et dune coiffeuse, qui
a été élevé dans un immeuble de Battersea, le
fait de battre dautres acteurs sur leur propre terrain a été
complètement satisfaisant. Ce sens du triomphe, il lapprécie
depuis son époque à Rada, où, au départ, il avait
été pris pour un laveur de carreaux, avant de finir avec le
grand prix.
Mais bien que Spall, à 46 ans, aie transcendé ses origines modestes,
il a dû se battre contre une autre forme de snobisme le fait
dêtre catalogué, à cause de son physique. Ses 4
films à Hollywood, dit-il, sont « la preuve que tous les acteurs
dHollywood ne sont pas forcément minces avec de belles dents
», mais lorsque lon ressemble à Spall, on nobtient
que des rôles particuliers. En effet, peu importe la qualité
de ses performances et la dernière en date est un nouveau joyau
-, il reste un acteur pour les personnages à part, plutôt que
pour les rôles principaux.
Alors, pendant que Tom Cruise se bat à lépée et
gagne le coeur de la fille dans Le Dernier Samouraï, Spall reste là
où il a presque toujours été, sur le banc de touche.
Peut-être que le fait de ne pas être pris au sérieux, à
cause de ses dents, de ses yeux, de sa mâchoire, lexaspère.
Il parle avec envie d « avoir plus de temps pour habiter un personnage
» dans les rares cas où il a joué un rôle principal.
"Une seule fois, jai souhaité être plus beau, et cétait
en voyant Burt Lancaster dans Le Prisonnier dAlcatraz. Je me suis dit,
« Est-ce que ça ne serait pas génial de ressembler à
ça, juste pour un jour ? »."
Spall vit pour son travail, et apparemment, il en a eu un parcours sans fin.
Ses 52 apparitions dans divers films ont commencé en 1979 avec Quadrophenia.
Bientôt, on pourra le voir en Peter Pettigrew dans Harry Potter et le
Prisonnier dAzkaban, prévu pour cet été. A Noël,
il a passé un peu de temps à la maison avec sa femme, Shane,
et leurs trois enfants. Il a organisé un « bon gros » mariage
pour sa fille aînée, Pascale, mais, après notre rencontre,
il repart à nouveau pour Hollywood, pour jouer cette fois aux côtés
de Jude Law et Meryl Streep dans Lemony Snicket's A Series of Unfortunate
Events.
Bien quil aie eu un peu de temps ces derniers jours pour mener une «
vie normale », il reste hanté, comme beaucoup dacteurs,
par lidée du chômage. « Deux fois, jai pensé
: « Cest fini, je suis passé à la trappe ».
» Le première fois, cétait après la deuxième
série de Auf Wiedersehen, Pet, au milieu des années 80. «
Cétait bizarre parce que jétais sans emploi et célèbre
». Il était aussi tellement brisé, suite à une
facturation dimpôts imprévue, quil a presque quitté
Londres pour Skegness.
Le fait dêtre tellement identifié à un personnage
Barry, lélectricien explique probablement son refus
de simpliquer dans de longues séries, préférant
rester libre pour des castings de dernière minute.
Il fait remonter sa seconde période de chômage à sept
ans et demi exactement. « Sans emploi à cause dun cancer
une leucémie. Essayez ça pendant deux ans et vous verrez
comment vous vous sentirez », explique-t-il. Sa peine était alourdie
par la culpabilité. « Je me disais que si javais le cancer,
cétait parce que jétais constamment anxieux
tous les acteurs doivent sattendre à être brutalement rejetés
et parce que je buvais trop. »
Il grimace en repensant à sa réputation de « Bouffon Alcoolique
» qui hantait les bars de Soho. Ce nétait pas si terrible,
mais il était à la fois hypocondriaque et mélancolique,
et après avoir survécu à la chimiothérapie qui
aurait pu le tuer, il a essayé de nêtre ni lun ni
lautre. Désireux de réduire son niveau de stress, il médite
et prie (bien quil refuse de parler de sa religion), et boit désormais
du Coca Cola plutôt que du vin au déjeuner.
Exploser à propos de la maladie, dit-il, cest seulement
pour ceux qui nont jamais eu à affronter une maladie terrifiante,
en particulier une avec un stigmate qui pourrait vous arracher à votre
travail.
Mais il aime préciser que de bonnes choses sont ressorties de cette
épreuve: « Cela ma fait devenir un meilleur acteur. Ca
ma donné un regard unique sur lextrême. Et je peux
vous assurer que cela vous fait réaliser que lennui est un péché
».
Alors que Spall décrit sa femme comme « un être humain
bien dans sa peau », il semble quil lui faille un approvisionnement
constant en nouveaux rôles à « habiter » afin de
se sentir « bien dans sa peau » à son tour. Ainsi, chaque
nouveau rôle est un plaisir, et, pour quelquun qui a passé
tant de temps sur les plateaux de cinéma, il en parle toujours avec
lenthousiasme dun débutant.
« Lambiance est joyeuse, sur le plateau », explique-t-il.
« Ca me rappelle toujours la pêche de longues périodes
dinactivité suivies par quelques minutes de frénésie
où ça mord à lhameçon. Dèsfois, je
marrête et je me dis : « Hey, je suis dans un film, cest
génial. » Je me rappelle avoir pensé ça pendant
un de mes premiers films, « Un Thé au Sahara ». Jétais
assis dans un café à Tangier, et je pensais : « Je suis
dans un film de Bertolucci. Cest quand même mieux que de jouer
Polonius à Frinton ».
Un autre grand moment: travailler avec Tom Cruise sur Vanilla Sky. Il a donc
été ravi de participer au « Dernier Samouraï »,
que Cruise a co-produit. « Au moins, ça voulait dire quil
pouvait me supporter », dit-il, pas une fois mais deux. Le supporter
? Est-il difficile sur un plateau ?
Non, je nai jamais compris pourquoi les gens le sont. Je joue
un rôle seulement parce que je veux le faire et jen suis éternellement
reconnaissant. Le privilège de vivre de ce que je fais est immense,
donc je nhésite pas à mamuser, sur le plateau et
en dehors.
« Ce nest pas dur. On est avec 200 personnes très talentueuses,
générallement dans des endroits extraordinaires. La seule chose
qui me gêne, cest de devoir me lever à 5h du matin. Ensuite,
il y a pas mal de monde assis autour de vous, attendant de voir la petite
fenêtre durant laquelle vous allez essayer de faire vivre votre personnage.
Je regrette toujours de ne pas pouvoir refaire ma partie tout le monde
est pareil et quand je vais voir le film, je suis abasourdi de voir
quil y a dautres personnes dedans ! »
Pendant le tournage du Dernier Samouraï, Billy Connolly lui tenait compagnie
pendant quon préparait le plateau, ce qui durait longtemps. Pendant
quils riaient de leurs blagues et anecdotes respectives, Tom Cruise
venait toujours les rejoindre dès quil avait un peu de temps.
Spall parle de Cruise avec une admiration sans fin il le décrit
comme une star à lancienne, amical, drôle et appliqué.
Mais na-t-il jamais souhaité inverser leurs places respectives?
Etre celui régnant sur les écrans et les posters, brandissant
des épées et conquérant la fille ?
« Je ressemble à un type ordinaire, dâge moyen et
un peu trop gros », dit-il. « Sur les 5 milliards environ de personnes
existant dans le monde, environ un milliard et demi sont un peu comme moi,
et ils méritent dêtre représentés, eux aussi.
Quand on ressemble à un magnifique jeune homme comme Tom Cruise, cest
un peu plus restreint. »
OK, je ne serais jamais choisi dans un rôle sexuel, mais jai
eu une scène incroyablement puissante, pleine démotion,
dans le film All or Nothing bien que, avec moi, il ne sagissent
pas de superbes fesses allant de haut en bas.
On doit faire avec ce quon est. Pas la peine de vouloir autre
chose ; vous devez essayer dêtre beaux de votre façon à
vous. Pour moi, la Beauté, cest être quelquun qui
a quelque chose à offrir au monde. »
Version originale
Actor Timothy Spall's wonky teeth, poppy eyes and jowls have never prevented
him from being cast in enviable roles, so why does he still fear he might
be 'rumbled'? Cassandra Jardine meets him
A beautiful voice opens The Last Samurai, Tom Cruise's latest action blockbuster,
and recounts the mythical story of Japan's creation. A coral sword, the voice
explains, was pulled from the sea and the four drops that fell from it formed
Japan's islands. The voice is intriguing: rich, plummy, deep, full of nuance
and character, but who on earth does it belong to?
Three wise men: Billy Conolly, Timothy Spall and Tom Cruise in The Last Samurai
Only as the action unfolds does it become plain that its owner is a dumpy,
middle-aged man with a doughy face, playing a former diplomat who has gone
semi-native within 19th-century Japan. And this perfect, oh-so-English misfit
is played by Timothy Spall - a man better known for bringing humanity to a
long line of losers and Dickensian low-lifes in a career that took off with
Auf Wiedersehen, Pet.
"Of course you didn't recognise me," says Spall, in his more familiar
south London tones. "I was playing an upper-class character." His
comfortable bulk heaves with amusement as he recounts how he has escaped being
typecast by appearing in Hollywood films. "To Americans, a Brit is just
a Brit. In America, they think I'm posh.''
It is plainly satisfying for the son of a postal clerk and hairdresser, who
was brought up in a Battersea tower block, to beat other actors at their own
game. This sense of triumph is one he has been enjoying ever since his days
at Rada where, initially, he was mistaken for a window cleaner, but ended
up winning the top prize.
But although Spall, at 46, has transcended his working-class roots, he has
had to contend with another form of snobbery - physical typecasting. His four
Hollywood films, he says, are "proof that not all Hollywood actors have
to be thin with beautiful teeth", but you can get away with looking like
Spall only in certain roles. For, no matter how fine his performances - and
his latest is another gem - he is still seen as a character actor, rather
than a leading man.
So, while Tom Cruise does the sword fights and gets the girl in The Last Samurai,
Spall remains where he has almost always been, on the sidelines. Perhaps it
maddens him that he is condemned - by his wonky teeth, poppy eyes and jowls
- not to be taken seriously. He talks longingly of "having more time
to inhabit a character" on the occasions when he has played leading roles.
"I've only once wished I was more handsome and it was while looking at
Burt Lancaster in The Bird Man of Alcatraz. I thought, 'Wouldn't it be lovely
to look like that for a day.'"
Spall lives for his work and he has had an apparently endless run of it. His
52 film credits began with Quadrophenia in 1979. Next, he can be seen as Peter
Pettigrew in Harry Potter and the Prisoner of Azkaban, due to be released
this summer. Over Christmas, he had some time at home with his wife, Shane,
and their three children. He threw a "nice, big" wedding for his
elder daughter, Pascale, but, after our meeting, he is off again to Hollywood,
this time to star with Jude Law and Meryl Streep in Lemony Snicket's A Series
of Unfortunate Events.
Although he has little time these days to deal with "normal life",
he remains haunted, like many actors, by memories of unemployment. "I've
had a couple of times when I've thought: 'It's all up, I've been rumbled'."
The first was after the second series of Auf Wiedersehen, Pet in the mid-Eighties.
"That was bizarre because I was unemployed and famous." He was also
so broke, as the result of an unforeseen tax bill, that he nearly left London
for Skegness.
The experience of being so closely identified with a character - Barry, the
electrician - probably explains why he now refuses to tie himself down with
long series, preferring to stay free for last-minute castings.
The second period of unemployment he dates, very precisely, to seven and a
half years ago. "Unemployed through cancer - leukaemia. Try that for
a couple of years and see how you feel," he says. His misery was compounded
by guilt. "I presumed I had got cancer because I was constantly anxious
- all actors have to handle constant rejection - and because I drank too much.''
He snorts at his erstwhile reputation as a "bacchanalian buffoon",
who haunted the bars of Soho. It was never that bad, but he was both hypochondriac
and melancholic and, since surviving the chemotherapy that could have killed
him, he has tried to be neither. Eager to reduce his stress levels, he meditates
and prays (though he won't discuss his religion) and he now drinks Coke rather
than red wine at lunchtime.
"Banging on" about illness, he says, is only for those who have
not faced a life-threatening disease, especially one with a "stigma"
that could stop you working.
But he does like to make the point that some good came out of his ordeal:
"It made me a better actor. It gave me a proper look at what it was like
to be in extremis. And it certainly makes you realise that boredom is a sin.''
While Spall describes his wife as "a fully rounded human being",
it seems that he needs a constant supply of new roles to inhabit in order
to feel "fully-rounded" himself. So every new part is an unalloyed
pleasure and, for someone who has spent so much time on film sets, he still
talks about them with the enthusiasm of a newcomer.
"The atmosphere on set is joyous," he explains. "It always
reminds me of fishing - long periods of inactivity followed by a few minutes
of frenzy when you hook something. Sometimes, I stop and think: 'Hey, I'm
in the movies, this is all right.' I remember thinking that during one of
my first movies, The Sheltering Sky. I sat in a café in Tangier, thinking:
'I'm in a Bertolucci film. This is better than playing Polonius in rep in
Frinton'."
Another high spot was working with Tom Cruise on Vanilla Sky, so he was delighted
when cast in The Last Samurai, which Cruise co-produced. "At least it
meant he could tolerate me," he says, not once but twice. Tolerate him?
Is he difficult on set?
"No, I've never understood why people are. I tend to do a part only because
I want to do it and I'm eternally grateful for being asked. The privilege
of making a living out of doing what I like is immense, so I go out of my
way to have a good time, off set and on.
"It's not hard. You are with 200 very talented people, usually in extraordinary
places. The only thing that pisses me off is having to get up at 5am. Then,
obviously, there is a lot of sitting around, waiting for the little window
in which you have to try to capture your character. I always wish that I could
do my bit again - everyone does - and when I go to see the film, I'm amazed
that there are other people in it."
During the filming of The Last Samurai, he had Billy Connolly to keep him
company during the long set-ups. As they laughed at each other's jokes and
anecdotes, Tom Cruise would come up and join in whenever he had a break. Spall
speaks of Cruise with limitless admiration - as a real old-fashioned star,
amicable, solicitous, fun.
But doesn't he sometimes wish that he and Cruise could swap places, that he
could be the one hogging the screen and the posters, brandishing swords and
getting the girl?
"I look like an ordinary, middle-aged bloke who is overweight,"
he says. "Of the five billion or so people in the world, about one and
half billion are a bit like me and they deserve to be portrayed, too. If anything,
you are more restricted by being a handsome young man like Tom Cruise.
"OK, I'm never going to be cast in a sexual role, but I had an enormously
powerful, emotional scene in the film All or Nothing though, with me,
it's not about perfectly formed buttocks going up and down.
"You have to come to terms with what you are. There's no point in hankering;
you should try to be beautiful in your own way. Beauty to me is about being
someone who has something to offer the world.''
* The Last Samurai is released on Friday
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