INTERVIEWS
KENNETH BRANAGH (1)
Entretien avec Kenneth Branagh (Professeur Gilderoy Lockhart).
Décrivez votre personnage :
Lockhart est le nouveau professeur de Défense contre les forces du
mal. Sorcier apparemment extrêmement réputé, il est l'auteur
de nombreux ouvrages célèbres utilisés comme manuels
à Poudlard. Les étudiantes l'admirent beaucoup, ce qui a le
don d'agacer énormément les garçons. Il est narcissique,
maniéré, très imbu de lui-même et un peu idiot.
Mais il lui arrive d'être assez touchant. Il amuse et il intrigue. A-t-il
de bonnes intentions ou pas ? En tout cas, c'est un phénomène.
Lockhart est un personnage merveilleusement haut en couleur et plein d'humour.
En faire un personnage réaliste et non une caricature vous a-t-il posé
des difficultés ? Comment vous y êtes-vous pris pour lui donner
de la substance ?
Chris Columbus s'inspire de JK Rowling. Ses livres sont très subtils,
leur simplicité est trompeuse. Certaines séquences présentent
Lockhart sous un jour plutôt vulnérable et nous nous sommes servis
de ça pour montrer que ce personnage n'est pas qu'une pantomime. Par
exemple, lorsqu'il se retrouve à la merci de Rogue lors d'un duel,
il tente de l'impressionner, en vain car Rogue est plus habile que lui. Cette
scène nous laisse entrevoir à plusieurs reprises la sensibilité
de Lockhart. Comme de nombreux acteurs, en lui cohabitent un ego surdimensionné
et une profonde insécurité. Deux facettes en totale opposition,
qui font de Lockhart un personnage extrêmement suffisant et très
agaçant (parfois totalement impitoyable), mais vulnérable et
désemparé dans l'adversité. Un cur battant côtoie
en lui une grande arrogance. La fragilité du personnage n'a pas échappé
à Chris Columbus. Lockhart est bête mais vulnérable, et
cette vulnérabilité le sauve et suscite la sympathie du public
et des élèves de Poudlard.
Avez-vous eu votre mot à dire sur l'allure des personnages et des
costumes ?
L'apparence de Lockhart est décrite par JK Rowling dans un style impressionniste,
ce qui n'est pas le cas des autres personnages. Elle évoque ses 'boucles
dorées flottantes', ce que nous avons essayé de rendre par une
coiffure assez exagérée. Les vêtements ne sont pas décrits
en détail, mais JK Rowling parle d'un personnage plutôt dandy,
trait que Chris Columbus n'a pas manqué d'exploiter. Le premier Harry
Potter était déjà assez sombre, celui-ci, tout comme
le livre, est encore plus sombre et le personnage de Lockhart permet de donner
des couleurs au film. Nous nous sommes inspirés d'un large éventail
vestimentaire classique, allant du 19e siècle au années 30.
Nous pensions que Lockhart se plairait à imiter un gentleman farmer
des années 30 ou un poète nouveau romantique évoluant
dans ses appartements en peignoir rouge. Tout ce qu'il porte est orné
de fioritures : volants, fronces, satin. Chris Columbus a néanmoins
veillé à ce que ce personnage reste viril malgré les
attitudes maniérées qui le caractérisent. Lindy Hemming,
notre brillante costumière, a réussi à préserver
la virilité de Lockhart, pourtant affublé de fioritures visuellement
comiques. Le livre restant évasif quant aux vêtements, nous avions
une grande liberté et nous en avons profité.
Comment avez-vous vécu votre arrivée au sein d'une
équipe dont les membres se connaissaient déjà ?
Il y régnait une ambiance de famille nombreuse, ce qui est très
inhabituel pour un film à aussi gros budget (il m'est arrivé
de voir le descriptif de l'un des mouvements de caméra : il était
aussi épais qu'un annuaire !). L'atmosphère était vraiment
extraordinaire et nous le devons presque entièrement à Christopher
Columbus. Toute l'équipe était très chaleureuse et ouverte
en dépit du souci de garder secrètes certaines séquences
surprise. Les nombreux visiteurs que nous avons reçus ont contribué
à cette ambiance saine et détendue. Beaucoup d'enfants sont
venus sur le tournage ainsi que les amis des acteurs. Il régnait également
une certaine excitation sur le plateau. Loin d'être blasé, Chris
Columbus se délectait de tourner ce second film et éprouvait
un réel enthousiasme à l'idée d'explorer toutes les possibilités
offertes par cette nouvelle histoire. J'ai donc remarqué deux tendances
dominantes : l'absence de tension et, paradoxalement, beaucoup d'excitation.
Étiez-vous déjà fan des livres de JK Rowling ?
J'admirais l'apparente simplicité avec laquelle JK Rowling évoque
un univers très complexe, fait de mille détails. Non seulement
c'est une grande conteuse, mais elle a également le don de créer
des personnages qui s'intègrent merveilleusement à la trame
compliquée tissée au fil de ses livres et dont elle a déjà
esquissé la fin. Je suis extrêmement admiratif de la façon
dont elle organise tout ce matériau et de l'univers magique qu'elle
vient de créer. Si vous allez y voir de plus près, vous constaterez
que tous les mots ont une étymologie totalement cohérente avec
l'univers qu'elle a imaginé. Elle fait un travail remarquable. Elle
prend les enfants au sérieux et aborde des thèmes tels que le
racisme, la politique et les luttes de pouvoir en les présentant avec
sophistication mais toujours à travers un récit très
captivant. Parce qu'elle aborde ces thèmes contemporains avec délicatesse,
elle réussit à sensibiliser le public. Sûre de voir ses
fans lui emboîter le pas, elle fait des choix plus ambitieux et assombrit
le ton de ses livres à mesure que l'aventure se poursuit. Elle n'hésite
pas à effrayer davantage ses lecteurs. En lisant tous ses livres, j'étais
fasciné par le défi qu'elle y relève : accompagner un
jeune public à travers sa propre adolescence et celle de Harry Potter
tout en créant des livres qui passionnent une génération
d'enfants de 10 ans après l'autre. En lisant le premier livre, j'ai
pensé à Dickens. La construction, le ton, la galerie de personnages
des livres de Rowling font d'elle un équivalent moderne de Dickens.
Avez-vous aimé travailler avec les enfants ? Correspondaient-ils
à ce que vous aviez imaginé ?
Je ne savais pas à quoi m'attendre. J'ai pensé qu'il devait
être bizarre pour des enfants de cet âge de participer à
l'un des plus grands succès cinématographiques de tous les temps.
Ils auraient pu devenir prétentieux, mais au contraire, j'ai passé
d'excellents moments en compagnie des trois acteurs principaux. Ils se sont
tous les trois remarquablement bien adaptés grâce à leurs
parents et à Chris Columbus. Il leur permet de jouer et c'est ce qu'ils
font. Ils sont tous trois très différents les uns des autres,
mais ils sont tous très brillants et polis tout en restant enfantins.
Ils sont aussi tous très drôles. De plus - je sais que c'est
un cliché - on apprend énormément en leur compagnie.
Ils ont beau être en pleine adolescence, ils sont étonnamment
maîtres d'eux-mêmes et savent faire preuve d'une concentration
totale lors du tournage d'une scène. Ils sont plus sereins que les
comédiens plus âgés. Ils sont très agréables
et les côtoyer fut pour moi un réel plaisir.
Et comment s'est passée votre collaboration avec Chris Columbus
et David Heyman ?
Chris Columbus est doué d'une énergie inépuisable, chose
cruciale pour un réalisateur. C'est toujours le réalisateur
qui donne le ton sur un tournage. Il déborde d'énergie, son
enthousiasme est resté intact jusqu'à la fin du tournage, tout
comme son intérêt pour l'histoire. Le tournage obligeait les
enfants à s'absenter de l'école sur de longues périodes,
mais il arrivait souvent qu'on progresse sur une scène et qu'on veuille
continuer alors que les enfants devaient retourner à l'école.
Et bien, je n'ai jamais vu Chris exprimer le moindre agacement. D'un point
de vue technique, il se doit de toujours garder la maîtrise de cette
gigantesque entreprise, une gageure, mais il y est parvenu sans jamais perdre
le fil de sa merveilleuse inspiration.
David Heyman partage cet intarissable enthousiasme pour l'histoire. De plus,
grâce à sa fructueuse collaboration avec JK Rowling, David nous
donnait toutes les informations nécessaires et tous les détails
relatifs au contexte. Chris et lui forment un duo exceptionnel.
À votre avis, en quoi Harry Potter et la chambre des secrets se
distingue du premier film ?
Comme les livres, dont l'atmosphère s'assombrit au fil des aventures,
Harry Potter et la chambre des secrets est plus noir. C'est pourquoi il est
agréable d'interpréter Gilderoy Lockhart qui insuffle beaucoup
d'énergie comique au film et brouille la perception des spectateurs
quant au bien et au mal. Il est également intéressant de voir
les enfants grandir sous vos yeux, cela confère au film une texture
particulière et rend l'histoire plus réaliste, authentique et
légère (comme eux !). On se dit : "Voilà un film
original, qui sort vraiment de l'ordinaire."
Quelle est la nature des relations entre Lockhart et Harry Potter ?
Lockhart cherche par tous les moyens à se mettre en avant, à
la fois par manque d'assurance et parce qu'il a conscience d'être un
imposteur. Harry Potter promet à Lockhart la Une de la Gazette du sorcier,
le journal des sorciers. Lockhart a une stratégie : il rencontre des
personnes réellement intelligentes, transcrit ce qu'elles disent et
publie leurs histoires sous son propre nom. Harry Potter est le personnage
le plus illustre qu'il ait jamais rencontré et il a accepté
un poste de professeur à Poudlard afin de s'emparer de la célébrité
de Harry. Tout au long du film, Lockhart n'a qu'une obsession : le génie
de Harry. Mais Harry et les autres garçons sont jaloux du succès
de Lockhart auprès des filles de Poudlard qui sont très impressionnées
par lui. Lockhart estime que la poursuite effrénée de la célébrité
constitue une activité parfaitement louable.
Quelle est la nature des relations entre Lockhart et les autres professeurs
et que pensent-ils de lui ?
Au départ, ils sont prêts à lui donner le bénéfice
du doute. Après tout, il a publié beaucoup d'ouvrages à
succès. Mais ils constatent presque immédiatement combien il
est imbu de lui-même et ils ne tardent pas à le soupçonner
de charlatanisme. Certains, comme Dumbledore et McGonagall, le trouvent touchant
et drôle, mais il agace beaucoup Rogue et Rusard. Lockhart n'a d'yeux
que pour lui-même, le mépris de Rogue le laisse donc indifférent,
ce qui donne lieu à des situations cocasses. Il est à lui tout
seul, une tempête de narcissisme qui souffle sur le collège,
suscitant autant le rire que l'agacement.
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